Ses pas résonnent sur le pavé.
Ses jambes sont raides d'être restées immobiles, repliées sous une chaise alors que ses bras prenaient leurs aises, attablés en terrasse.
Elle regarde ces immeubles où la nuit se faufile. A cette heure, à l'aplomb de ses rêves, elle inspire profondément, engloutit l'air frais.
Elle devrait rentrer mais ses pieds l'emportent ailleurs, errance dans cette ville qu'elle connaît si bien maintenant. Lorsqu'elle a emmenagé à Paris, elle a passé des heures à arpenter chaque mètre carré de la cité pour s'en approprier l'âme, pour en prendre la mesure. Elle lui offrait une nouvelle vie.
Que restait-il désormais de ces heures de flânerie?
Le souvenir du flot humain incessant la journée sur les Grands Boulevards. La marche se fait automatique, elle se sentait portée par ces gens, foule embrassante.
Mais à cette heure où la présence humaine se fait rare, elle observe les silhouettes furtives éclairées par les réverbères. Des instantannés de vie.
Elle avait aimé se perdre dans les rues, elle avait adoré visiter des lieux de plus en plus familiers, savourer chaque recoins de cette ville qui s'offrait à elle. C'était sa richesse, son luxe, le luxe de se jouer du temps et de l'espace. Au fil des kilomètres, son corps se délestait de ses tensions, elle déposait son fardeau du quotidien dans le coeur de la ville, marche exploratoire et expiatoire, les sens aux aguets, un retour à la primitivité de l'être. Mettre un pied devant l'autre et recommencer. Faire corps avec le bitume, prendre corps, naître à la ville et se diluer.
Une fine pluie vient lui carresser le visage. L'odeur de la terre mouillée s'insinue en elle, part infime de nature qui gagne sur la ville, rappel de sa jeunesse passée à courir les chemins boueux. Elle s'arrête un instant. La ville s'endort et on peut entendre son coeur battre. Elle reprend sa route, s'égare dans des ruelles. Au coin d'une rue, la vie ressurgit, la nuit s'égaye des rires insouciants des noctambules. Elle sourit.