Pas une crise aujourd'hui.
K. est revenu, dans la provocation, dans le refus mais pas dans la colère...
K. est de nouveau disponible pour travailler.
K. a accepté les contraintes de la classe aujourd'hui pas volontiers mais quand même.
K. a vu M. (un grand, un de mes anciens élèves) faire une énorme colère et m'a dit très sérieusement: "Ce n'est pas bien de faire des crises maîtresse." Non, ça ne rend personne heureux...
Quand je suis allée à l'institut de formation des maîtres, nous avons appris à faire de jolies séquences faites de plusieurs séances, de belles fiches de préparation, beaucoup de belles théories...
Mais à la réalité, nous n'étions pas préparé...
Comment faire en sorte que les enfants sortant de la "norme" évoluent, apprennent, s'épanouissent??
Y. a réussit à réintégrer le système classique après être passé par une CLIS.
Je me souviens de son sourire. Je me souviens de la souffrance de la maman et la confiance qu'elle nous a accordées. Je me souviens avoir vu Y. s'échiner à essayer de prononcer des mots qui ne voulaient pas sortir. Je me souviens de la fierté de Y. parcequ'en lecture, il excellait.
L. après 3 ans de maternelle commence à faire des phrases. Il parvient à faire les tâches scolaires de base: coller, mettre des gommettes... guère plus.
Je me souviens de son premier jours, sa première année de maternelle. Je me souviens de toutes ces larmes versées. Je me souviens du premier rendez-vous avec la mère qui est arrivée avec une balafre sous l'oeil et un cocard car son mari lui avait tapé dessus. Je me souviens l'avoir écouté raconter son quotidien: un autre enfant adulte très grand autiste, une fille qui a subit plusieurs opérations cardiaques, un père qui a un cancer, un mari violent... Je me souviens avoir eu envie de pleurer avec elle. Je me souviens ensuite avoir eu envie de la secouer pour qu'elle s'occupe enfin de son petit dernier.
S. est parti de notre école. L'adaptation dans l'autre école a été difficile selon les dires de la maman.
Je me souviens de ses colères car il ne supportait pas la frustration. Je me souviens de son besoin de refaire encore et encore le même atelier. Je me souviens avoir entendu et compris ses premiers mots. Je me souviens de ses capacités en lecture. Il est trop tôt pour dire comment il continuera sa scolarité mais je suis confiante pour lui.
M. n'est pas resté longtemps dans ma classe. On me l'a enlevé, on l'a enlevé à ses parents.
Je me souviens de ce sentiment de douleur, la déchirure qu'était la séparation. Je me souviens que c'était mieux pour lui: être placé car sa maman accouchait et que les services sociaux ne voulaient pas les confier, lui et son frère, à un père drogué et joueur. Je me souviens de son retour plusieurs mois après. je me souviens de son visage si différent, un visage où aucun sentiments ne transparaissaient, comme figé.
S. est une petite fille qui est arrivée dans ma classe cette année. On m'a dit qu'elle risquait de mourir à la moindre chute. Oui mais voilà, S. tombe tout le temps... S. à des problemes physiques et de langage mais rarement j'ai vu un enfant faire autant d'efforts. Elle bataille, elle n'abandonne pas et elle progresse. Elle est futée cette petite fille.
Ce ne sont que quelques exemples...mais chacun de ces élèves a modifié mon regard sur tous les enfants...
Car non, nous n'avions pas été préparé à faire enseignante, psycholoque, assistante sociale...
Je ne compte pas les fois où on m'a dit de prendre du recul, que je ne sauverai pas la terre entière, que ce n'était pas mon métier.
Mais concrètement, comment fait-on??
On tourne les yeux devant les bleus et la violence, on se bouche les oreilles lorsque que les cris et les insultes fusent??
Et plus les années avancent, plus je me dis que c'est en partie pour ces enfants que je fais ce métier.
J'aime enseigner en général mais j'aime aussi donner un cadre à des enfants pour qu'ils évoluent le plus sereinement possible.
J'aime chacun de mes élèves même si j'ai expliqué à K. qui me hurlait sa colère que ça ne me gênait pas qu'il ne m'aime pas, que je n'étais pas là pour ça... Alors que bien sûr que je t'aime K....!