Ce matin, mon lit refuse de me laisser partir...
Je n'ai pas envie, pas assez de sommeil...
Je suis institutrice... professeurs des écoles... Qu'importe... J'enseigne à des enfants de 3, 4 ans. Oui, j'enseigne, malgré tout ce qu'on entend...
Et je dois parler à la maman de K.
K. qui depuis le retour des vacances est sans dessus dessous, il provoque, il s'oppose, il hurle, il use mes nerfs et ceux des autres adultes qui s'occupent de lui. Il demande qu'on l'aime dans sa douleur, dans sa violence...
Pourtant, il avait fait tellement de progrès depuis son arrivée, petit enfant en opposition constante qui se laisse apprivoiser et prend goût à l'école. Et là, on doit recommencer...
Je cherche, je questionne: "parle-moi, dis-moi comment je peux te soulager...". Rien, que de la colère en retour...
Je parle à la maman qui me dit qu'à la maison c'est difficile aussi en ce moment. Je vois les larmes au bord de ses yeux. Je la rassure, je lui dit qu'ensemble on va y arriver. Je la rassure et, au fond, c'est moi que je rassure.
K. qui arrivait avec un sourire à ensoleiller une classe avant, s'effondre quand sa mère part. Je le laisse répandre sa tristesse et je reviens à la charge, il se calme, se relève, accepte de me regarder mais toujours pas de me parler... Alors, je lui donne une place importante, oui tu peux t'occuper des poissons de la classe, oui tu peux t'asseoir près de moi pendant l'atelier. Ah non par contre là ce n'est pas toi qui décide. Je prononce ces mots et je sais ce que cela va provoquer. Et si tu fais une crise, c'est la punition et je tourne les talons pour emmener mes autres élèves en récréation. Je tends l'oreille, attends les hurlements... Rien... Et là je sens une main qui se glisse dans la mienne. Je le regarde et je sais qu'il prend sur lui. Pas besoin de mots. Je lui souris.
Aujourd'hui, j'ai retrouvé mon K., speed, travailleur, bruyant, prenant beaucoup de place mais tellement attachant.
Et demain, je dirai à la maman, un peu plus convaincue, que oui, nous allons y arriver...
L'autre moment de bonheur de la journée, c'est F.
F. a un important retard psycho-moteur.
F. a un emploi du temps aménagé et un éducateur qui l'accompagne.
Le plus difficile est de trouver sa place par rapport à F., à son éducateur et surtout par rapport à leur binôme.
Plusieurs mois à me questionner...
Et puis, au boût de ces quelques mois, il me regarde enfin, il me reconnaît. Il vient vers moi...
Et aujourd'hui, nous apprenons une nouvelle chanson, une berceuse africaine avec des rythmes.
Et je le vois me regarder lorsque je chante, je vois que la musique lui plaît, je le vois imiter nos gestes, mieux, je le vois compendre, anticiper sur les rythmes à reproduire.
Aujourd'hui, F. était un enfant comme les autres.
Aujourd'hui, j'ai vu son éducateur touché.
Aujourd'hui, j'ai vécu un vrai moment de bonheur.
Et demain sera différent mais je sais déjà que le réveil sera plus facile...