Je souffle mes bougies, doucement, les unes après les autres. Ca me brûle à l'intérieur, j'ai le souffle court. Le jour de mes 87 ans. Mais je souris à ma famille, ces parties de moi réunies en ce jour. Je souris car je ne soufflerai peut-être pas d'autres bougies. Je souris. Même si ça fait mal, même si ça m'épuise. Je voudrais les voir partir pourtant je les aime tant. Je vois bien son regard qui s'assombrit lorsque j'ai à peine la force de soulever ma cuillère, quand j'ai du mal à manger car mon bras tremble trop. Je vois la tristesse traverser son doux visage mais elle aussi elle sourit. Je voudrais qu'ils partent pour ne pas me voir faiblir, pour ne pas qu'ils se rendent compte que chaque jour un peu plus je ne suis plus l'ombre de moi-même. de celle que j'ai été. J'ai eu une belle vie, je le pense certains jours et puis mon passé m'échappe. Hier, j'ai même oublié son nom. Elle est entrée chez moi, souriante. A ses mots, j'ai compris qu'elle était ma famille mais j'avais peur de cette étrangère sous mon toit. Maintenant, j'ai tout le temps peur. Peur de tomber et de ne plus pouvoir me reveler, peur de le laisser seul mon homme, peur de ne plus être moi, peur de ne pas mourir tout de suite.
Pourtant, je le sens que mon heure arrive, la vie s'échappe doucement de mon corps endolori. j'ai peur. Mais je ne sais pas ce qui me fait le plus peur: disparaître ou souffrir. Je me suis toujours battue, j'ai toujours eu la force mais à présent même me lever est un défi. Je ne veux plus de cette vie, ce semblant de vie. Peut-être que si je ferme les yeux...
Je suis toujours là... Elle est là aussi. Je vois bien qu'elle me regarde lorsque j'ai la tête tournée. Elle scrute mes mouvements. Cela ne doit pas être très fatigant, je ne bouge presque plus... Je suis comme prise dans la pierre, statue recroquevillée, immobile enfin...