Je devrais être malade plus souvent, si chacune des mes absences entraîne lors de mon retour toujours autant de joie...
Et pourtant dès le matin la psychologue est venue me déranger... Je souris, je me concentre sur mes élèves...
Et pourtant, mon atsem m'annonce une nouvelle fâcheuse dès le matin: K. a dévoré la main d'une de ses camarades de deux ans de plus, même pas peur, rien à faire... Oui dévoré visiblement pas juste mordu...
Bon, il va me falloir parler de nouveau avec la mère au sujet de la psy... ppfffff.... Si la psy pouvait y mettre du sien plutôt que de me casser les pieds au sujet d'E. qui n'en a guère besoin, elle... Je dis ça...
La preuve, le soir, je discute avec la maman d'E. qui me dit qu'elle n'a plus besoin de voir la psy, qu'elle est très heureuse et que j'avais raison, c'était elle-même qui s'angoissait. Oh qu'il est doux à mon oreille d'entendre, dans la même phrase, que notre psy (la notre pas toutes les psys, pas celles qui font leur travail) ne sert à rien et que j'ai raison. AAHH... Regonfle-toi petit égo..!!!
Revenons-en à K.
'Tu m'expliques ce qu'il s'est passé hier au goûter?"
mine contrite.
"Je ne m'en rappelle plus."
Je m'apprêtais à parler à un mur mais K. me regarde sans me défier et me parle.
J'appuie un peu plus sur le bouton qui déclenche les crises. Je sais vers où je vais et lorsque je le peux j'avance encore.
"Tu veux que je t'aide à te souvenir?" (gros yeux de la maîtresse pas très contente)
"Alors?"
"Mais elle m'a embêtée!" (tentative de déplacement du problème)
"D'accord. Mais qu'as-tu fais toi?" (Si tu crois que je ne te vois pas venir mon loulou, recentrons le débat...)
"Je l'ai mordu beaucoup la fille."
"Et?"
"Il ne faut pas mordre les enfants"
Voilà, voilà, à peine 5 minutes et tout est dit. Il les connait les règles. Mais il ne parvient pas à contrôler sa colère, sa frustration...
Nous parlons longuement de ce dont nous avions longuement parlé hier: pourquoi cette violence et qu'est-ce que ça provoque comme réaction chez les autres élèves.
Il le sait, il a vécu tout cela hier... Hier; il a tapé une fois, deux fois, trois fois... Il n'a pas su contrôler sa peine lorsque E. a refusé de lui donner la main en lui disant que non, il était trop méchant! Et pourtant, E. c'est son meilleur ami dans la classe, son "pote" comme il dit... Alors, il descend les escaliers, sa main dans la mienne, le visage transformé par la tristesse et dès que je lui lâche la main, il tape sur le premier enfant qui passait par là. Je me fâche encore, il hurle, je me fâche plus fort, il se calme et se referme. Je le connais, je le punis, le laisse se calmer, on en discutera plus tard.
Et depuis, deux jours K. s'exprime. Pas comme d'habitude dans le bruit pour qu'on le remarque mais dans la confidence. Il me dit qu'il aime pas que E. ne soit pas son copain, il me dit qu'il ne veut pas que les autres prennent ses jouets; il me dit qu'il n'aime pas qu'A. l'embête et c'est pour ça qu'il le tape. Et c'est vrai qu'A. peut être embêtant...!
Et il parle beaucoup de son papa avec qui il va jouer au foot, qui lui achète des bonbons, de son frère dont il ne se rappelle pas le prénom, de sa soeur N. Sauf que N. c'est la petite soeur d'A., et que s'il ne se souvient pas du prénom de son frère, c'est parce qu'il est fils unique. Sauf que son papa ne joue pas au foot avec lui et ne lui achète pas de bonbon parce que son papa ne fait pas partie de sa vie... Je lui dis quoi moi??
C'est pour ça je lui parle tellement, que je lui accorde une place que la plupart des autres élèves n'ont pas. C'est pour ça que je suis fâchée contre la psy qui ne fait pas son travail...
Mais quel bonheur de voir de temps en temps mes paroles raisonner en lui.
Ce matin, pendant la récréation, K. vient me chercher:
"C'est M. il m'a tapé et moi j'ai même pas tapé."
Vérification faite, c'est vrai, pour la première fois, il a utilisé la parole et pas les poings Et pour une fois, c'est K. que je félicite pour son attitude.
Le reste de la journée se fera sans violence, pas sans recadrage mais sans aggressivité.
Jusqu'au dernier moment où lorsqu'il se fait un peu bousculer, il hurle et lève le bras pour taper. Je suis près de lui, je prends le bras en vol, jette mon regard noir.
"Pas taper!"
"Non, on ne tape pas. Elle a été longue cette journée..."
"Oui, suis fatigué."
Et il se serre contre moi.
Et moi je n'ai plus envie de le gronder, juste de combler ses blessures...
Mais on va y arriver, avec la maman et peut-être une aide psychologique.
Mais aujourd'hui c'était une bonne journée car je le vois s'ouvrir et quel bonheur lorsqu'il sourit!
C'était une bonne journée car mes élèves ont bien travaillé et gagnent en autonomie.
C'était une bonne journée car je vais les suivre l'an prochain en moyenne section et que j'en vivrais encore des journées bien!!