moi, je suis occupée à vivre, à profiter de ces moments de bonheur qui s'offrent à moi.
Et la claque n'en est que plus grande, lorsque le passé vient se rappeler à mon bon souvenir. Bambi qui se prend les pattes dans un piège alors qu'il gambadait tranquille sur un arc-en-ciel.
Ce passé rend la vie fragile. Il dévoile ce que j'occulte au jour le jour. Les failles dans ce sourire affiché. La mort. Pas la mienne, étrangement celle-là laisse mon esprit en paix. Mais la mort des autres, de ceux que j'aime, de ceux que je sais ne pas être éternels.
Une mort annoncée ne la rend pas moins douloureuse.
Des morts sans crier gare, l'impuissance de la douleur, la douleur de l'impuissance.
Il y a des gens que j'ai eu peur de perdre. Heureusement ils sont encore là mais je ne sais pas ce que serait ma vie sans eux, je suppose qu'on continue à avancer, pour soi, pour les autres. Mais est-ce une vie quand on est amputé d'une part de soi?
J'ai perdu des gens et j'étais trop jeune pour comprendre ou je m'étais trop éloignée pour voir.
Et lundi, j'ai vu cette petite fille. Dans son visage, je l'ai vu lui, son grand-frère. Sauf que son grand-frère, je ne le reverrai plus. Petit Ange-Micaël, trop vite parti.
6 ans, ce n'est pas un âge pour mourir.
J'ai revu ce jour où on m'a annoncée qu'il ne sourirait plus.
J'ai revu l'enterrement; une maman détruite par la douleur, un papa comme absent de lui-même.
Quelques mots, pas nombreux parce que seules les larmes sortent, parce qu'il n'y a pas de mot tout simplement.
J'ai revu l'hommage rendu quelques mois plus tard par ses copains, un hommage apaisant en musique, des moments de vie en photos, ce sourire...
Je ne sais pas comment on survie à la mort de son enfant, je ne sais pas si on survie vraiment...
La maman a avancé, la religion comme bouée, sa fille comme phare.
Pendant des mois, la maman a fait des détours pour ne pas passer devant l'école de son fils. Elle avait décidé de ne pas scolariser sa fille dans notre école, trop de douleur. Et puis, elle est venue en juin l'inscrire parce qu'elle pensait que sa fille serait bien chez nous, qu'elle nous fait confiance. Elle a demandé à ce que sa fille n'ai pas les mêmes maîtresses que son fils. Je ne l'aurai donc jamais dans ma classe. Je crois que c'est mieux ainsi, je ne sais pas si, même des années après, je serai capable de prendre le recul nécessaire pour enseigner à cet enfant.
Il y a une autre anecdote qui me fait penser à lui. Ange-Micaël adorait le rose, il se déguisait avec la robe de princesse. Et depuis la rentrée, K. a lancé la même mode dans la classe. En 9 ans de métier, ce sont les deux seules fois où mes "p'tits mecs" s'autorisent ce déguisement. (je crois que je ferai un autre billet pour parler de ça...).
Je sais bien que ce n'est qu'une coïncidence mais...
Pour cela et d'autres raisons, j'aimerai que le passé aille voir ailleurs si je m'y trouve et pourtant je ne suis pas si pressée que le futur montre son nez...
Oui, c'est ça... le présent c'est pas mal!